Encore appelées « Minon » en langue fon, les Amazones sont des femmes guerrières du Royaume de Dahomey qui avaient pour devise « Vaincre ou mourir ». Surnommées les Amazones par les historiens occidentaux, grâce à la ressemblance frappante avec les célèbres Amazones antiques, elles sont reconnaissables grâce à un regard sombre, un crâne rasé et une démarche de combattantes viriles. Les « Minon » incarnent au XVIIIe la seule armée constituée uniquement de femmes. Retour sur un bataillon unique qui existait encore jusqu’au XIXe siècle.
Origine d’une armée entièrement féminine
Le Royaume du Dahomey, situé dans l’actuel Bénin était l’un des plus puissants royaumes de l’Afrique noire. Le Dahomey tire sa célébrité de plusieurs facteurs tels que l’organisation structurée de son royaume, l’économie basée sur un commerce florissant, l’agriculture et surtout la culture de la guerre. C’est dans ce contexte, où il faut protéger à tout prix le Roi et le royaume des invasions, qu’est né dans entre le XVIe et le XVIIe siècle, selon plusieurs sources, l’armée des Amazones. Plus tard sous le règne du roi Ghézo au XIXe siècle, ce bataillon va se structurer en devenant l’armée d’élite du Roi de Dahomey, qui lui jure obéissance et fidélité jusqu’à la mort.
En fon, « Minon » signifie « nos mères ». Cette armée, composée essentiellement de tueuses farouches, aurait été composée pour la première fois par le troisième roi du Dahomey : Houegbadja. Ce dernier a régné entre 1645 et 1685. L’objectif du roi Houegbadja était de mettre sur pied une armée de femmes, chasseurs d’éléphants nommés : « Gbèto ». Plus tard il aurait décidé d’en faire sa garde rapprochée en les entrainant.
Selon d’autres sources historiques, l’origine des Amazones serait située durant le court règne de la reine oubliée Tasi Hangbè, sœur jumelle du Roi Akaba. En effet, la reine Tasi Hangbè a régné entre 1708 et 1711 après la mort de son frère jumeau Akaba en 1708. Ce serait elle qui aurait intégré les Amazones en tant que véritable corps armée du Dahomey. Elle s’en est d’ailleurs servi pour remporter des batailles contre les villages voisins du Dahomey.
Après l’abdication de la reine Tasi Hangbè pour le fils du Roi Houegbadja, Agadja qui a régné jusqu’en 1732, a utilisé l’armée des femmes amazones pour remporter plusieurs batailles dont la célèbre victoire sur le Royaume de Savi en 1727.
Toutefois ce n’est que sous l’avènement du Roi Ghézo, qui a régné de 1818 à 1858, que les Amazones se sont développées véritablement au point d’inspirer la crainte voire l’admiration des européens. Le Roi Ghézo, avec l’armée des Amazones, a d’ailleurs livré une bataille épique contre les troupes françaises le 26 octobre 1892.
Les Amazones ou la défense du Roi de Dahomey
Devenir amazone avait un prix et répond à un objectif bien précis. En effet pour devenir Amazone, les femmes devaient faire des vœux de virginité et de chasteté tout en renonçant entièrement au droit de maternité et à celui d’avoir une relation intime. Sous le règne du Roi Ghézo, les femmes sélectionnées pour intégrer l’armée des femmes, sont des esclaves du Roi. Le processus de sélection répondait à des normes strictes telles que : la résistance, la corpulence, la robustesse et le suivi d’un entraînement intense qui les rendait entièrement dévouées au Roi.
Quant à l’objectif, il est unique : servir et défendre, quitte à en mourir, le Roi et son royaume.
La composition des Amazones
Les Amazones sont dirigées par une femme qui s’est illustrée au combat. L’armée féminine est composée de trois brigades de plusieurs régiments. Au sein du corps, on distingue trois hiérarchies. En bas de l’échelle, on retrouve ainsi, les simples soldats. Ensuite le corps des sous-officiers encore nommés en langue fon « Ahouangan » et enfin les officiers, « Gahu ».
Regroupées principalement en deux corps. On rencontrait d’une part, les « Aligossi », chargées exclusivement de la défense du palais royal et de la protection rapprochée du Roi. Le corps des « Aligossi » reste souvent sur place et couvre les déplacements du Roi et de ses proches. D’autre part, on a les « Djadokpo ». Ces dernières constituent l’avant-garde de l’armée régulière. Lors des combats, leur rôle constituait d’affaiblir rapidement l’ennemi afin de couper sa progression.
Organisation et mode d’emploi
Les Amazones sont organisées selon leurs spécialités. Ainsi nous avons les faucheuses, les fusilières, les artilleuses, les archères et enfin une unité spéciale de commando d’élite qui est souvent constituée des meilleures femmes guerrières.
Les faucheuses : Armée de machettes longues d’environ 45 cm sur un manche de 60 cm, elles étaient dotées d’une dextérité de maniement exceptionnel. En deux coups maximum, elles tranchaient la gorge de leurs adversaires. Elles sont ambidextres car se servant leurs armes des deux mains. Après avoir décapité l’ennemi, elles utilisaient leurs têtes coupées comme des trophées de guerre.
Les fusilières : De par leur effectif, elles sont plus importantes. Armées de carabines Winchester, d’une cartouchière, d’un couteau et d’un sabre, elles excellent dans l’art de tirer et de recharger leurs fusils en un temps record. De plus, elles sont des experts des combats de corps à corps.
Les archères : Redoutées pour leur rapidité et leur précision chirurgicale, elles couvraient les fusilières afin d’assurer les attaques lointaines.
Les chasseresses : C’est l’unité d’élite du bataillon. Elles ont une mentalité de combat particulière car elles sont conditionnées psychologiquement. Ce qui leur donnait un courage herculéen face à toute sorte d’épreuve et à n’importe quel adversaire.
L’entrainement des Amazones suivait un programme rigoureux dès le plus jeune âge. Celui-ci était constitué d’exercices physiques quotidiens très intenses et des exercices extrêmes comme par exemple, marcher sur des épines, vaincre, à mains nues un taureau ou un lion.
Le résultat de ces exercices permet aux Amazones de maîtriser les armes mieux que les hommes et aussi d’être résistantes à la douleur, à défaut d’y être insensible. L’explorateur J. Foa, décrira d’ailleurs : « Alors qu’un soldat dahoméen met en moyenne 50 secondes pour recharger sa carabine après avoir fait feu, une Amazone réalise l’opération en trente secondes ». Ce qui traduit la discipline et l’efficacité de ces combattantes.
La stratégie des Amazones ne suit qu’une seule règle : tuer sans se soucier aucunement de sa propre vie. Les prisonniers et captifs des « Minon », étaient simplement décapités sans autre forme de procès.
Au XIXe siècle, grâce au Roi Ghézo et surtout à sa diplomatie, le budget des Amazones est nettement amélioré, ce qui leur permet d’avoir des armes danoises plus sophistiquées et des uniformes de combat. À cette époque, on dénombrait environ 6 000 femmes guerrières, soit le tiers de toute l’armée du royaume du Dahomey.
La procédure de recrutement proprement dite
Entre le XVIIIe et le XIXe siècle, l’esclavage était en plein essor dans les royaumes africains. Le Royaume du Dahomey, qui était l’un des axes les plus important de la sous-région dans le trafic, allait s’en servir pour constituer une armée de femmes sanguinaires et tueuses, dévouées au Roi. Une grande partie des Amazones sont ainsi recrutées entre les esclaves et leurs descendances. Une fois recrutées, les jeunes filles font leur entrée dans le harem du Roi et sont affranchies.
Une formation leur permettra ensuite d’intégrer l’« Agoledjié ». Ce dernier représente le corps des femmes de guerre du Roi.
Par ailleurs, il n’est pas rare que certaines femmes de la société dahoméenne, mariées ou non, intègrent à titre volontaire, l’armée des Amazones, d’autres sont enrôlées contre leur gré. De même, tous les trois ans, devant un conseil, les sujets du Roi peuvent présenter à ce dernier leurs filles afin de les admettre dans la cour royale ou la maison du Roi. Suivant le rang social de leur famille, elles sont soit soldat, soit officier.
Le vœu de célibat
Etre Amazone, oblige les femmes combattantes une fois engagées à ne pas avoir une situation maritale. Toutefois elles peuvent servir de présents aux meilleurs guerriers du Roi ou encore servir d’épouse à celui-ci.
Arthur Vido, un historien béninois sur la virginité mythique des femmes tueuses, a montré que la règle de la virginité des amazones n’était pas étendue à toutes. En effet, plusieurs amazones ont eu des rapports intimes pour assouvir parfois leur besoin physiologique ou encore pour accomplir une mission royale.
Des sources historiques évoquent parallèlement que les Amazones devaient faire un vœu de chasteté et de célibat devant une divinité vaudou : « Dêhouin ». La divinité « Dêhouin » pourrait provoquer des états de grossesses à toute guerrière ayant rompu le vœu de chasteté en couchant avec un homme.
La forte croyance du peuple dahoméen aux pratiques vaudou confère de facto aux Amazones, un statut particulier de demi-dieu.
Les Amazones face à la France
Au XIXe siècle, l’Afrique noire est envahie par la France et les occidentaux, entre autres, portugais, britanniques et espagnols. Le royaume du Dahomey, quant à lui doit faire face à l’invasion des troupes française. En 1890, le roi Béhanzin combat les troupes françaises. C’est la Première Guerre du Dahomey. Les forces françaises, grâce à des armes plus sophistiquées firent des dégâts considérables au sein de l’armée dahoméenne. Le Général Alfred Dodds décrit cette bataille comme la plus meurtrière de sa campagne. Les Amazones durant ce combat furent héroïques. Des légionnaires plus tard saluèrent leur audace et leur courage.
L’explorateur britannique, Sir Richard affirmera à propos des Amazones : « Les Amazones sont non seulement l’élite de l’armée à laquelle elles donnent l’exemplarité de l’intrépidité, mais composent à elles seules toute l’armée permanente (…). »
Désormais sous protectorat de la France, en 1984, le remplaçant du Roi Béhanzin, Agoli Agbo décida de dissoudre entièrement l’armée des Amazones.
Sources :
- Livre d’histoire : Histoire de mon Pays de Jean Pliya
- Wikipedia.com/Les Amazones Du Dahomey
- Jeune Afrique Magazine/Les Amazones du Dahomey
Si vous souhaitez poursuivre sur le sujet, nous vous invitons à voir le magnifique reportage de ARTE, que nous avons mis ci-dessous.
Au Bénin, les fières Amazones du Dahomey
Emission : Invitation au voyage de la chaîne ARTE
Jusqu’au XIXe siècle, le Bénin, petit pays du golfe de Guinée, était appelé le Dahomey et était l’un des royaumes les plus puissants d’Afrique occidentale. Sous le règne de la reine Tassi Hangbé, un groupe de femmes, les Amazones, assure la sécurité du royaume. Un groupe d’élite encore célébré au Bénin à travers des chants, des danses et des récits qui rendent hommage à ces combattantes.
Un autre magnifique reportage de CANAL +, que nous avons mis ci-dessous.
L’actrice oscarisée Lupita Nyong’o sillonne le Bénin sur la piste des puissantes guerrières du Dahomey. Laissez-vous tenter par le documentaire fascinant SUR LES TRACES DES AMAZONES DU DAHOMEY, le mardi 29 septembre à 20H30 GMT sur CANAL+
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